vendredi 3 décembre 2010

Dialogue avec Napoléon, suite

Entre deux marchés de Noël, achat de pain d'épice et de foie gras, vous prendrez bien une petite portion de Napoléon ? Garantie sans danger pour la ligne...

Salutations gourmandes,
Votre Croquette

vingtième extrait :

Qu’il avait été dangereusement beau, ce garçon baratineur à la gouaille typiquement parisienne, que toutes les étudiantes s’arrachaient. Dans son studio ce samedi soir, il lui avait retiré ses lunettes pour la serrer plus fort contre lui. S’était reculé, soufflé par l’inattendue magnificence de ses prunelles mises à nu. Y avait appuyé sa bouche. L’avait dépouillée, dans la foulée, du reste. De tout le reste. Irréprochable et non troué. Merci maman !
Lui avait affirmé ensuite qu’elle était sa belle statue grecque. Son Athéna aux yeux pairs. Lisse et douce. Parfaitement proportionnée.
Le premier. Le premier et le dernier auquel elle ait tenu passionnément. Le premier et le dernier en qui elle aurait foi.
Le seul à l’avoir fait grimper aux rideaux, criant sa jouissance…
Lorsqu’elle souffrait, la digne demoiselle, dans un réflexe d’autodéfense, choisissait la crue attitude. Quand rien ne va plus, c’est fou ce qu’une expression particulièrement grossière soulage !

Six mois. Huit mois. Peut-être dix. Un énorme pavé, bien avant mai 68, tombait dans la mare heureuse d’une fille qui avait tout chassé de Moche Poirier. Faisait la fête. Etudiait un peu. Courait les expos de peinture sans modération. Aimait à la folie. Dans la vaste mouvance surréaliste et libératrice des Sartre, Simone de Beauvoir ou Colette. Pour ne citer qu’eux.
Un lourd et douloureux pavé. Un après-midi de joie, au musée du Louvre. Devant la Pierre de Rosette, prélude à leur voyage en Egypte. Qu’ils contemplaient, déjà ailleurs et mains nouées.
- Salut, Moche ! C’est bien toi ? Que fais-tu là ? Tu ne nous présentes pas ?
Le traître avait rougi de honte. Lâché sa main. Sourit béatement à celle que Moche aurait tuée d’un coup de Pierre Rosette, si elle avait eu assez de force pour s’en emparer et la fracasser sur son crâne…
Elle s’était enfuie en courant. Fait ses valises. Engouffrée dans le premier train en partance pour Moche. Sans prendre le temps de pleurer.
Moche n’appartenait pas à Paris. Moche détestait les Beaux-Arts ! Dans ces conditions, devenir secrétaire n’avait pas vraiment d’importance.
Elle n’avait plus esquissé le moindre croquis. N’était jamais revenue sur ses pas. Avait fini par oublier d’avoir mal. Fini par échouer, cruelle ironie du destin, dans un paysage juste créé pour être dessiné.
Pour presque croire, avec les années, que sa courte romance était arrivée à une autre. Qu’elle l’avait certainement piochée dans une collection Harlequin. Bouquin à l'eau de rose pour esseulées.

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